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CP - Quand le petit lait des vaches se transforme en eau chaude de première main

En toute saison, lors de la fabrication du beaufort, se créée un résidu bien encombrant, le petit lait, également appelé « lactosérum » qui, en volume, représente plus de 90% du lait produit. L’épandage de ce sous-produit du lait est interdit et diverses solutions de recyclage existent mais l’équipe du groupement pastoral de Plan Pichu, à Granier, sur le Versant du Soleil, a voulu voir plus loin en raisonnant « valorisation » : le déchet n’est pas simplement recyclé, il se transforme en énergie. Après une première saison d’essais en 2022, la transformation du petit lait en méthane apportera une quasi-autonomie pour la chauffe de l’eau et du lait à partir de cet été.
 

Des lombrics à la traîne

Depuis 15 ans, le petit lait était éliminé par lombricompostage, un procédé proche de nos composts domestiques : le liquide était épandu au contact de micro-organismes et de lombrics, qui se nourrissent du résidu. Mais cette technique avait le double désavantage de ne pas être suffisamment efficace et de devenir obsolète. Une autre solution devait être trouvée. Procédé biologique également, la méthanisation est apparue comme la clé : elle consiste à transformer le petit lait en biogaz, aka le méthane.

Comment ça marche Jamy ?

Concrètement, le petit lait est progressivement versé dans une poche plastique, au contact de bactéries anaerobies qui s’activent et transforment la matière organique en gaz ; ce gaz sort au sommet de la poche pour être brûlé en continu dans une chaudière afin de produire de l’eau chaude.

Une première en alpage

Ce procédé de transformation du petit lait en méthane est déjà utilisé toute l’année par les moines de Tamié depuis 2005, et par Savoie Lactée à Albertville qui récupère le lactoserum des coopératives. Le gaz brûlé est transformé en électricité, qui est ensuite revendue. Pour l’équipe de Plan Pichu, la solution de facilité aurait été de faire descendre le petit lait de l’alpage jusqu’à Albertville mais, au-delà de l’empreinte carbone induite par le transport, cette démarche nécessite aussi de rafraîchir le petit lait pour le transporter. Trop compliqué. C’est donc la première fois qu’un alpage met en place le procédé de méthanisation. Des investissements ont été nécessaires, notamment l’achat d’une chaudière biogaz et un changement des cuves pour chauffer le lait. Désormais équipées d’une double paroi, l’eau chaude prend place autour de la cuve, sur le même principe qu’un bain-marie.

En route vers l’autonomie

Les 8 000 litres d’eau chaude chauffés quotidiennement, et maintenus en circuit fermé, remplissent donc plusieurs fonctions :

  • chauffer le lait pour fabriquer le beaufort
  • laver le matériel (notamment les remorques avec boules à lait, les cuves, ...)
  • fournir l’eau chaude sanitaire

La température peut être ajustée de +10 à 90°C, selon les besoins.
Depuis 1992, l’alpage dispose aussi d’une microcentrale électrique (7,5 kw heure) qui permet de produire l’électricité nécessaire à la fabrication du beaufort de l’alpage et d’assurer le fonctionnement des pompes de méthanisation. Un groupe électrogène d’appoint complète la production d’électricité lorsque c’est nécessaire.
 

Chiffres clés

  • effectif bovin : 430 vaches, réparties sur 3 troupeaux
  • effectifs humain : 2 fromagers, 8 bergers et 1 intendant
  • 11 propriétaires basés à Granier, Valezan et Les Chapelles
  • entre mi-juin et fin septembre : 55 tonnes de beaufort produit et fabriqué sur place
  • 550 000 litres de lait produit pendant tout l’été dont 500 000 litres de petit lait (soit 6 000 litres collectés quotidiennement)
  • déjà précurseur il y a 20 ans avec le lombricompostage
  • Environ 500 000 € d’investissement (sur un total de  1 000 000 € de rénovation du site) pour créer un outil pérenne pour les 30 prochaines années.